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L’implication socioéconomique des banques, y croit-on vraiment ?

En 2019, le 4 décembre a été déclarée la Journée internationale des banques par les Nations Unies afin d’encourager les institutions financières à devenir des leaders responsables dans leur communauté. Près de trois ans après l’adoption de cette résolution, les banques canadiennes s’inscrivent-elles dans cette mouvance sociale ?

C’est un bel exemple d’une relation d’amour et de haine. Nous, comme citoyens, éprouvons des sentiments partagés par rapport aux banques et aux institutions financières en général.

D’un côté, elles font de l’argent, beaucoup d’argent. La Banque Royale, la plus importante au Canada, a engrangé à elle seule des profits de quatre milliards de dollars au deuxième trimestre de 2021, le plus récent dont les résultats ont été présentés. Nous étions, faut-il le rappeler, en pleine pandémie !

Parallèlement, elles se retrouvent régulièrement mêlées, à tort ou à raison, à des stratagèmes d’évasion fiscale, ce qui ne les rend pas plus sympathiques. Sans compter des irritants tels que les frais bancaires qui apparaissent comme par enchantement sur nos relevés de comptes. Dans les faits, ils ont dû être mentionnés au moment de choisir un forfait bancaire, mais qui lit les phrases écrites en petits caractères au bas des pages ?

D’un autre côté, et c’est un réel avantage, les consommateurs canadiens peuvent compter sur des banques qui se classent parmi les plus solides au monde, sans oublier le Mouvement  Desjardins.

Ce n’est pas à dédaigner.

La crise financière qui a révélé la vulnérabilité des banques américaines

Au pire de la crise financière de 2008-2009, au moins une banque américaine faisait faillite par semaine. Le laxisme des autorités leur avait permis de prêter sans être véritablement contrôlées. Mais quand leurs clients ont été incapables de les rembourser, plusieurs d’entre elles se sont retrouvées à court de fonds.

Comment réagiriez-vous si vous vous pointiez un matin à la porte de votre banque et qu’une chaîne en barrait l’entrée ? C’est ce qu’ont alors vécu des millions d’Américains.

Il faut comprendre que, aux États-Unis, il existe environ 5 000 banques et institutions d’épargne, souvent locales ou régionales. Pour la communauté environnante, leur existence est une source de fierté, mais il suffit d’une crise économique pour que leur vulnérabilité apparaisse. Elles ne peuvent alors plus, elles, miser sur la force d’un réseau.

Et c’est sans compter un vice de fond dans le système financier américain.

Aux États-Unis, les propriétaires peuvent déduire, dans leurs déclarations de revenus, les intérêts payés sur leur hypothèque. C’est, directement, un incitatif à emprunter.

Lorsque la crise a frappé, en moyenne, 100 000 ménages américains perdaient chaque jour leur maison aux mains des huissiers. Leur valeur avait chuté sans qu’ils puissent la revendre, surtout qu’ils étaient tombés dans le piège en la réhypothéquant régulièrement. En d’autres mots, ils devaient plus d’argent à leur banquier que ce qu’ils pouvaient obtenir en vendant leur propriété. Les saisies se sont multipliées.

Au Canada ? Cette mesure n’existe pas. Vous empruntez sans en tirer le moindre avantage. Il en a été vaguement question il y a 20 ans, mais avec ce qui est arrivé, personne n’a le goût d’en reparler.

Nos banques sont solides, mais sont-elles responsables ?

En comparaison, nous, comme consommateurs, sommes plus en sécurité, d’autant que la Société de l’assurance-dépôts du Canada garantit jusqu’à 100 000 $ les dépôts dans les comptes des institutions financières reconnues. Il serait étonnant qu’elle doive intervenir, mais on ne sait jamais.

Nos banques sont solides. Soit. Mais peuvent-elles contribuer davantage au bien commun ?

En tout cas, le gouvernement Trudeau, nouvellement réélu, le croit. Tout indique qu’il entend concrétiser une promesse électorale qui ferait passer de 15 à 18 % le taux d’imposition des banques et des sociétés d’assurance. On utiliserait ces nouveaux revenus pour aider les nouveaux acheteurs au moyen d’un compte d’épargne non imposable, une sorte de CELI immobilier.

En même temps, les banques canadiennes se retrouvent de plus en plus dans la mire d’actionnaires activistes qui interviennent dans leurs décisions avec tout leur poids. Ce sont souvent des caisses de retraite qui ont amassé au fil du temps de gros blocs d’actions et qui sont ainsi en mesure de faire valoir les revendications de leurs participants pour des causes humanitaires ou autres. On demande de plus en plus aux banques, par exemple, de se tenir éloignées des entreprises actives dans le domaine des hydrocarbures, que ce soit en liquidant leurs investissements ou en évitant de financer leurs exploitations.

De toute façon, les institutions financières sont devenues plus ouvertes aux enjeux environnementaux pour des raisons qui ne sont pas nécessairement nobles. Elles veulent notamment éviter de se retrouver elles-mêmes dans l’embarras si elles consentent des prêts à des entreprises dont les opérations pourraient finir par tomber sous le coup de la loi.

Et il ne faut pas oublier qu’elles sont quand même dirigées par des personnes elles-mêmes sensibles aux grands débats actuels. Ces temps-ci, par exemple, la Banque Nationale mène une grande campagne de publicité pour signaler, entre autres, son intention de hausser à 25 %, d’ici la fin de 2023, la proportion de gens issus de la diversité au sein de son personnel.

Pour se faire mieux voir ? Pour améliorer son image ? Au fond, peu importe. L’idée demeure que toute la collectivité participe aux bénéfices et pas seulement les actionnaires.