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Les cartes de crédit : des solutions afin de mieux protéger les consommateurs

Depuis l’apparition de la première carte de crédit Diner’s Club à Manhattan en 1950, le nombre de cartes et le montant des achats qu’elles ont servi à financer a littéralement explosé partout dans le monde.

En 1977, 8,2 millions de cartes de crédit étaient en circulation au Canada. En 2003, il y en avait 50,4 millions et en octobre 2008, 68,2 millions. De 1977 à 2008, le volume annuel des transactions effectuées par carte de crédit Visa et MasterCard est passé de 118,8 millions à plus de 2,4 milliards.

Vu l’ampleur du marché des cartes de crédit, notamment en Amérique du Nord, il nous est apparu prioritaire de comprendre les pratiques commerciales ou de marketing qui incitent les consommateurs à se procurer une ou plusieurs cartes ainsi que les pièges qui peuvent être cachés derrière ces pratiques alléchantes. Un nombre croissant d’auteurs affirme que les cartes de crédit, contrairement à l’argent comptant ou à d’autres modes de paiement, encouragent non seulement la consommation, mais l’endettement.

Nous avons donc décidé de cibler des pratiques qui nous semblaient susceptibles d’encourager les consommateurs canadiens à dépenser et à emprunter. Nous avons voulu connaître l’impact de ces pratiques sur la situation financière et budgétaire des consommateurs. Nous avons choisi cinq pratiques courantes qui nous semblaient répondre à ces critères et dont l’impact budgétaire pouvait être mesuré de façon relativement fiable.

  1. Les taux préférentiels de lancement et les transferts de solde
  2. Les chèques d’avance de fonds
  3. La diminution des paiements minimums exigés
  4. Les congés de paiement
  5. Les ristournes en argent sur les achats

Parmi toutes les pratiques des compagnies émettrices de cartes de crédit susceptibles d’attirer la clientèle des consommateurs, nous en avons identifié cinq dont l’impact financier et budgétaire pouvait être relativement bien mesuré.

Pour chacune des pratiques identifiées, nous avons fait un bref historique ainsi qu’une description de son fonctionnement. Ensuite, nous avons tenté de dégager les principaux avantages et inconvénients qui en résultent pour les consommateurs.

Afin de nous assurer que les documents que nous choisissons de citer en exemple sont effectivement représentatifs, nous les avons sélectionnés selon les critères suivants :

Nous nous sommes basés sur les institutions financières qui ont, en matière de cartes de crédit, les plus grandes parts du marché canadien. Nous avons également pris en considération les institutions qui, à notre connaissance, font le plus de publicité. Finalement, nous avons aussi considéré certaines pratiques atypiques ou originales.

Ensuite, nous avons fait appel à M. Éric Brassard, comptable agréé et planificateur financier, afin de déterminer l’impact potentiel des pratiques étudiées sur les finances des consommateurs. M. Brassard est l’auteur principal des livres « Un chez-moi à mon coût », sur le thème de l’habitation et de « Finance au volant », qui traite de l’automobile. Il a également reçu le prix CA émérite décerné par le Comité des CA de Québec en 2007.

Pour chacune de ces pratiques, nous avons également abordé, lorsque celle-ci s’y prêtait, l’aspect « psychologie du consommateur » afin de déterminer de quelle façon la pratique visée pouvait influencer le consommateur dans ses choix et ses comportements.

Nous avons ensuite étudié la légalité de ces cinq pratiques au Canada, notamment au Québec, en Ontario et en Colombie-Britannique.

Finalement, nous nous sommes entretenus avec deux intervenants canadiens et trois intervenants américains qui possèdent une expertise en matière de réglementation des cartes de crédit. Nous avons recueilli leur avis sur chacune des cinq pratiques qui font l’objet de ce rapport. Nous leur avons également demandé quelles sont, selon eux, les solutions aux problèmes que nous avons soulevés dans la présente étude.

Après étude de chacune des cinq pratiques identifiées, nous arrivons à la conclusion que chacune d’entre elles peut avoir un impact négatif sur la santé budgétaire du détenteur de carte. Ces pratiques sont symptomatiques d’une industrie qui, dans sa recherche de profits, en est arrivée à se déconnecter complètement des besoins de ses clients.

En effet, les consommateurs susceptibles de mordre à de tels hameçons sont souvent ceux qui éprouvent le plus de difficultés financières. Dans la mesure où les produits de cartes de crédit étudiés s’adressent principalement à une clientèle qui a déjà des difficultés de paiement ou qui paie des intérêts mensuellement sur sa ou ses carte(s) de crédit, il nous apparaît évident que les règles sévères qui accompagnent ces offres (restrictions de toutes sortes, multiplication des frais, raccourcissement voire élimination des délais de grâce, hausses de taux d’intérêt, etc.) désavantagent le consommateur.

Au cours de cette recherche, nous avons également pu constater que les documents publicitaires, la sollicitation et les contrats de cartes de crédit sont, la plupart du temps, présentés de manière à exploiter les failles et les faiblesses des consommateurs. Nous sommes d’avis que, par ces stratagèmes, les émetteurs de cartes de crédit abusent de leur position dominante au détriment des consommateurs.

Finalement, nous avons pu mieux mesurer l’ampleur du système des cartes de crédit. Les cinq pratiques que nous avons étudiées font partie d’un gigantesque ensemble complexe de clauses contractuelles qui se modifient, de frais qui se multiplient, de taux d’intérêts qui varient, etc.

Essayer de rétablir le rapport de force entre les consommateurs et ces entreprises en ne ciblant que cinq pratiques commerciales, peut être comparé à donner un baiser sur le « bobo » d’un mourant. C’est un acte plein de bonne volonté qui se révélera être un coup d’épée dans l’eau. L’industrie des cartes de crédit est une industrie extrêmement puissante qui effectue un lobbying très efficace, tant au Canada qu’aux États-Unis.

Nous ne croyons pas qu’une simple intervention législative concernant certaines pratiques commerciales suffise à forcer l’industrie des cartes de crédit à entrer dans les rangs des commerçants responsables. Il faudra probablement que les tribunaux s’en mêlent. Et cela pourrait être très long. Option consommateurs croit donc que les provinces canadiennes doivent, à courte échéance, revoir en profondeur l’ensemble des règles relatives au crédit.

Compte tenu de l’ensemble des pratiques que nous avons observés au cours de cette recherche, nous craignons que l’histoire américaine ne se répète : lobby pour faire modifier, voire invalider les règles relatives à la protection des consommateurs et resserrer celles qui ont trait à la faillite, croissance du marché du recouvrement des créances, multiplication des frais, tentatives d’échapper à la réglementation existante en faisant prendre à la publicité des formes non réglementées ou en dissimulant de l’information dans des textes rédigés en caractères minuscules, etc.

Ce modèle d’affaires a eu les conséquences désastreuses que l’on connaît. De plus, étant donnée la quasi absence de lois et de règlements, il est très difficile pour les consommateurs américains d’obtenir réparation lorsqu’ils subissent des injustices. En effet, on ne peut dire qu’une loi a été violée lorsqu’il n’y a plus de loi.

Finalement, dans le contexte actuel de crise financière, nous ne croyons pas que la situation des Canadiens pourra être améliorée par le simple saupoudrage de quelques-unes des recommandations de ce rapport. Les recommandations que nous présentons forment un ensemble et, à notre avis, elles doivent toutes être adoptées afin d’être efficaces.