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Recours collectifs transfrontaliers et droits des consommateurs

Si le commerce contemporain n’a cure des frontières, le droit s’accorde moins de libertés. Or, dans la société contemporaine, il n’y a pas de commerce sans droit, parce qu’il n’y a pas de commerce sans contrat. Il se produit donc parfois que des biens circulent sans peine, mais que les obligations qui découlent de leur échange ne connaissent pas le même sort.

Les marchés s’en trouveront d’autant déréglés que la présence et l’ampleur de ces nids-de-poule sont imprévisibles. Les questions reliées à l’exercice collectif et transfrontalier de droits par des consommateurs en fournissent un excellent exemple. Des centaines, des milliers de personnes vivant dans de nombreuses juridictions peuvent avoir acquis autant d’exemplaires d’un bien fabriqué par une entreprise bien précise et qui s’avère défectueux.

Tous ces acheteurs pourraient vouloir réunir leurs recours contre le fabricant et, en principe, tous sont susceptibles d’y gagner puisque les demandeurs bénéficieront en quelque sorte d’une économie d’échelle. Le défendeur, lui, n’opposera qu’une défense et devra composer avec une seule décision, et non avec des milliers: il sera plus tôt certain de l’ampleur de ses obligations.

Mais ce jugement, rendu dans un État donné, sera-t-il exécutoire partout où habitent les consommateurs? La décision rendue au Wisconsin devrait-elle être opposable au consommateur sri lankais ou qatari alors qu’il ignorait qu’on débattait de ses droits? Et quel droit le tribunal devra-t-il appliquer, si les justiciables dont il établit les obligations ressortissent à soixante-dix-sept juridictions?

Voilà le défi que posent les recours collectifs transfrontaliers. Ils se multiplient pour l’instant, parce qu’ils comportent apparemment des avantages, mais ils occasionnent aussi des inconvénients dont on prend de plus en plus la mesure. Il n’existe présentement pas au Canada de règles claires qui permettent d’équilibrer ces intérêts et de fournir un niveau élevé de prévisibilité au plan juridique. Bien sûr, il ne s’en trouve pas davantage au niveau international, pour régler les situations où des recours intentés à l’étranger prétendraient altérer les droits des consommateurs canadiens.

Il s’agit de prendre en compte l’accessibilité des recours judiciaires, l’avantage à cet égard d’actions collectives, la liberté des personnes mises en cause et donc leur capacité de choisir de manière libre et éclairée d’être liée par un processus judiciaire, les limites territoriales à la compétence des tribunaux, la diversité des régimes juridiques nationaux et l’importance du caractère exécutoire des jugements. On conçoit donc que la solution ne s’impose pas spontanément à l’esprit. L’actuelle imprécision du droit n’avantage toutefois personne.