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Travailler à la retraite, payant ou pas ?

Pénurie de main-d’œuvre, inflation, prolongement de l’espérance de vie, simple désir d’être actif : plusieurs raisons expliquent la volonté de rester plus longtemps sur le marché du travail. Ou encore, d’y retourner. Un lieu commun veut pourtant que, financièrement, le jeu n’en vaille pas la chandelle. Légende ou réalité ?

Voyons ces enjeux en compagnie de Luc Godbout, fiscaliste et directeur de la chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke.

Son premier constat ? Le taux d’emploi dans la tranche des 20 à 59 ans est supérieur au Québec. Mais attention : dans la fourchette des 60-64 ans et des 65-70 ans, nous assistons à la chute, suivie du grand écart. « Au Québec, les gens prennent leur retraite un peu plus tôt que dans le reste du Canada », confie-t-il.

Deux raisons amplifient le phénomène : « Le Québec a connu un baby-boom plus marqué que les autres provinces », rappelle-t-il. Ainsi, dans les années 1980 et 1990, anticipant des entraves à l’emploi pour les générations montantes, les gouvernements successifs ont encouragé les baby-boomers à devancer l’âge de leur retraite. Au point d’être à seulement 58,4 ans en 1990!

L’autre raison est le taux de syndicalisation : « En règle générale, les régimes de retraite favorisent des départs plus rapidement que chez l’ensemble des travailleurs. C’est vrai partout au Canada, et de manière plus marquée au Québec », note-t-il.

Comment changer cette réalité ?

En ramenant les travailleurs sur le marché du travail et en retardant le moment de leur retraite, estime Luc Godbout. Certes, mais encore faut-il que ce soit avantageux !« Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les gouvernements agissent, depuis plusieurs années, pour encourager le retour au travail. Alors oui, c’est payant. ». – Luc Godbout, fiscaliste et professeurhttps://ocmagazine.org/wp-content/uploads/2022/01/luc-godbout-scaled.jpg

Parce que tout travail mérite salaire

Ses collègues et lui ont analysé la fiscalité, les incitatifs, puis élaboré des études de cas démontrant que, sans égard à la situation, par exemple chez les personnes à faibles revenus ne tirant que des prestations gouvernementales minimales ou des travailleurs spécialistes pourvus de généreux REER, travailler demeure plus payant, même après 65 ans.

Dans cette foulée, Luc Godbout signale que, depuis le tournant du siècle, les initiatives gouvernementales se sont multipliées. Assez pour aplanir certains mythes et légendes, d’autant plus que de nouvelles mesures verront sans doute le jour dans les prochaines années. Selon l’expert, l’un des enjeux consiste à mieux informer et rassurer les retraités et futurs retraités.

D’autres incitatifs à venir ?

À la demande du Comité Consultatif 45+, Luc Godbout signait en 2020 un rapport de recherche intitulé Travailler au-delà de l’âge de la retraite : est-ce que ça vaut le coût?.

Rempli d’exemples et de mises en situation, le document s’attarde entre autres sur le taux de conservation du revenu d’emploi gagné. Il s’agit du taux de ce que conservera le contribuable sur son revenu d’emploi gagné.

Pensons à un retraité visant un revenu d’emploi annuel de 10 000 $. Si son revenu disponible augmente de 7 500 $, on dira que son taux de conservation sur son emploi gagné (ici 10 000 $ de revenu) est de 75 %. Autrement dit : je travaille pour 10 000 $, il m’en reste 7 500 $ après impôts et autres charges sociales.

Ce tableau montre divers taux de conservation (%), en fonction des situations et du revenu d’emploi gagné.

Source : Travailler au-delà de l’âge de la retraite : est-ce que ça vaut le coût?Luc Godbout indique que la réalité actuelle ne devrait pas ralentir la mise en place d’incitatifs supplémentaires, par exemple, en matière de déduction fiscale ou de crédits d’impôt. Il note ce qui suit.

Rendre le crédit d’impôt pour prolongation de carrière remboursable.

Dans certaines situations à faible revenu, il est possible que les personnes admissibles, faute de revenu imposable suffisant, n’aient pas droit à la pleine mesure du crédit.

Donner le choix à une personne de plus de 65 ans de cesser ou de continuer de cotiser au Régime de rentes du Québec (RRQ).

Le Régime de pensions du Canada (RPC), équivalent du RRQ au Québec, permet à un travailleur de mettre fin à ses cotisations dès 65 ans. Ce n’est pas le cas au Québec.

Une retraite encore plus dorée ?

Dans l’intervalle, les scénarios étant aussi infinis que l’univers fiscal, recourir à l’intervention de spécialistes, par exemple le conseiller de votre institution financière, un comptable ou un fiscaliste, pourrait, en fonction de votre situation, de vos besoins et de vos revenus, vous aider à prendre des décisions éclairées, et finalement, plus payantes.

En conclusion, Luc Godbout conseille aux travailleurs tirant des revenus de retraite de discuter avec leur employeur afin de faire ajuster en amont les retenues à la source « pour éviter de payer des choses inutilement et avoir la perception de payer trop d’impôt ».