3 juin 2025
Projet de loi 69 : l’indépendance du secteur énergétique québécois est en péril
Sans faire de consultation publique et moins de deux semaines avant la fin de la session parlementaire, le gouvernement s’apprête à adopter pas moins de 52 amendements au projet de loi 69 mettant en péril les mécanismes qui assurent une surveillance neutre et indépendante du secteur énergétique québécois.
Les changements proposés au projet de loi 69 suivent une tendance claire : ils réduisent les pouvoirs de la Régie de l’énergie et donnent plus de contrôle au gouvernement et à Hydro-Québec et ce, au détriment de toutes les classes de consommateurs québécois.
Par ailleurs, même si ces modifications substantielles changent complètement le visage du projet de loi présenté initialement par l’ex-ministre Pierre Fitzgibbon en septembre 2024, le gouvernement pourrait même l’adopter sous bâillon, sans débat complet.
Parmi les modifications les plus inquiétantes figurent la possibilité pour le gouvernement d’imposer à la Régie de l’énergie un plafond sur la hausse des tarifs résidentiels, ainsi que celle de faire porter sur le dos des consommateurs les coûts liés à des activités non réglementées par la Régie et ainsi augmenter leur facture d’électricité.
Pourtant, dès le dépôt initial du projet de loi, plusieurs représentants des consommateurs d’électricité et experts ont rappelé l’importance de renforcer le rôle de surveillance de la Régie de l’énergie afin d’assurer une gestion rigoureuse du secteur et une dépolitisation du processus de fixation des tarifs. C’est aussi le meilleur moyen de s’assurer que les consommateurs ne paieront pas des tarifs excessifs pour financer les nombreux projets d’investissement d’Hydro-Québec et du gouvernement du Québec.
Mais voilà que les importantes modifications s’inscrivent dans une tendance plus large à marginaliser et banaliser le rôle de la Régie en tant que tribunal administratif et régulateur impartial. De plus, les propos tenus par Michael Sabia, président-directeur général d’Hydro-Québec, lors de son passage en commission parlementaire le 6 mai sont particulièrement préoccupants. Ce dernier a exprimé son malaise face à l’idée qu’un « groupe de technocrates » à la Régie détermine les tarifs d’électricité. Pour nous, ces paroles manquent de respect envers nos institutions démocratiques et envers la population québécoise. Un dirigeant non élu, à la tête de notre plus grande société d’État, ne devrait pas tenir de tels propos à l’Assemblée nationale. Il est essentiel de refuser toute tentative de politiser les décisions liées au secteur énergétique du Québec.
Rappelons que c’est précisément pour assurer transparence, équité et indépendance que le législateur a confié en 1997 la régulation des tarifs à un organisme indépendant, dans le contexte de l’ouverture des marchés, notamment de l’exportation d’électricité vers les États-Unis.
Le Québec est aujourd’hui à la croisée des chemins en matière de gestion énergétique. En fragilisant la Régie et en affaiblissant les mécanismes de supervision du secteur, le gouvernement compromet le succès de la transition énergétique au Québec.
Il est impératif que le gouvernement respecte et protège le rôle de la Régie de l’énergie en tant que régulateur indépendant. Il doit s’appuyer sur son expertise, ainsi que sur celle des experts et des acteurs concernés, pour bâtir notre avenir énergétique et élaborer le prochain Plan de gestion intégrée des ressources énergétiques.
Cosignataires:
*Jocelyn B. Allard Président, Association québécoise des consommateurs industriels d’électricité (AQCIE)
François Vincent, vice-président, Québec, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI)
Jean-Pierre Finet, analyste et porte-parole, Regroupement des organismes environnementaux en énergie (ROEÉ)
Laurence Marget, directrice générale, Coalition des associations de consommateurs du Québec (CACQ).