L’usage de l’argent comptant est en décroissance constante au Canada. Les espèces sont progressivement remplacées par les modes de paiement électroniques, principalement la carte de crédit et la carte de débit. Même si le phénomène reste encore marginal, la tendance vers l’abandon du numéraire dans le commerce de détail est également amorcée.
Bien qu’on puisse identifier des gains économiques pour l’État et les institutions financières, les avantages directs de cette transition pour les commerçants et, surtout, pour les consommateurs apparaissent plus mitigés. Les commerçants estiment majoritairement que les frais pour accepter les cartes de paiement sont trop élevés et que les avantages qu’ils retireraient à refuser le numéraire dans leurs établissements ne surpassent pas les inconvénients.
Éliminer l’argent comptant exposerait les consommateurs à une myriade de risques, qu’ils soient d’ordre financier ou opérationnel – sans compter les enjeux en matière de protection de la vie privée et de gestion budgétaire qu’une telle transition soulève. Une société sans numéraire entraînerait également un risque d’exclusion à l’égard des personnes défavorisées économiquement : les plus grands utilisateurs du numéraire sont les consommateurs à faible revenu, les aînés et les personnes les moins scolarisées. De même, les Canadiens non bancarisés et sous-bancarisés sont particulièrement dépendants du numéraire.
En groupes de discussion, les consommateurs ont dit souhaiter que l’argent comptant reste en circulation au Canada, même s’ils préfèrent utiliser des modes de paiement électroniques. Contrôle, liberté, anonymat, simplicité : le numéraire a bien des avantages que les cartes de paiement ne peuvent véritablement remplacer. Les consommateurs sont vexés lorsque des commerçants refusent leurs espèces, même s’ils se résignent à leurs politiques. En somme, les consommateurs veulent pouvoir choisir la façon dont ils paient et estiment illégitime qu’on leur retire ce mode de paiement démocratique.
Au Canada, la politique monétaire, incluant le pouvoir de donner cours légal à un instrument de paiement, relève du gouvernement fédéral. Cependant, les questions relatives au refus du numéraire par un commerçant entremêlent à la fois des dispositions provinciales, issues du droit des contrats, et des dispositions fédérales. Dans les provinces de common law, les droits de chaque partie varient selon qu’une entente a été conclue ou non entre le créancier et le débiteur quant aux modes de paiement. Au Québec, le droit civil encadre le caractère libératoire des modes de paiement; cependant, la portée de ces normes reste imprécise. Ce cadre juridique est complété par des normes disparates de protection, qui pourraient parfois trouver application aux utilisateurs de numéraire.
À l’étranger, des États ont récemment adopté des lois ou des politiques publiques afin de protéger les utilisateurs de numéraire. Ces dispositions, qui contraignent les commerçants à accepter l’argent comptant, pourraient servir d’inspiration au Canada. En conclusion, Option consommateurs recommande notamment de moderniser la Loi sur la monnaie pour contraindre les commerçants à accepter les espèces que leur offrent les consommateurs et de mettre en place des mesures législatives harmonisant les régimes juridiques de tous les modes de paiement électroniques.