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Covid-19 – Quels impacts sur la mondialisation ?

CRÉDIT PHOTO: chuttersnap (Unsplash)

Le Canada est un petit pays qui a beaucoup d’échanges commerciaux. Il est très près des États-Unis et, au fil des ans, il a aussi développé une relation avec l’Asie et l’Europe. Ce faisant, il s’est rapproché de certains fournisseurs. Or, en temps de pandémie, il arrive que des chaînes d’approvisionnement se brisent – on l’a vu avec les médicaments et le matériel sanitaire. Dans le contexte actuel, lorsque cela se produit, il est difficile d’agir.

Ce ne sont pas que des biens qui font l’objet d’une circulation internationale car il y a aussi des personnes qui viennent travailler dans le domaine de l’agriculture, par exemple, et celles qui arrivent parfois sans papiers et qui apportent notamment du soutien dans les CHSLD. Nous avons besoin de ces personnes dans nos fermes ainsi que pour la fourniture de certains services essentiels.

La pandémie a amené le Canada à prendre conscience de la vulnérabilité que lui cause sa dépendance commerciale, et aussi de la nécessité d’y trouver des solutions. Elle lui a fait voir que, même si on peut avoir une certaine interdépendance au plan international, il ne faut pas dépendre totalement de l’étranger. Il faut assurer une certaine capacité de production, surtout en ce qui a trait aux biens et services essentiels afin de garantir la sécurité sanitaire du pays.

Opportunisme et collaboration

Depuis le début de la pandémie, certains ont fait preuve d’opportunisme. De telles situations sont liées à des problèmes de gouvernance. Dans toutes les chaînes d’approvisionnement mondiales se trouvent de grandes multinationales mais aussi des sous-traitants. Parfois, on ne sait pas trop qui prend les décisions. En situation de crise, cela provoque des difficultés de coordination qui peuvent avoir des conséquences très concrètes et très graves, comme nous l’avons constaté ces derniers mois.
Il y a eu de l’opportunisme, mais il y a aussi eu de très belles collaborations. Ça m’a surprise ! J’espère que la pandémie nous permettra de découvrir non seulement comment nous protéger en temps de crise, mais aussi comment mieux coopérer sur le plan international.

Les grandes entreprises du numérique ont très bien réussi à tirer leur épingle du jeu. Elles sortiront gagnantes de la pandémie. Maintenant, elles doivent redonner à l’économie. Certaines l’ont compris, Netflix, par exemple. Des artistes et des activités culturelles locales ont bénéficié de sa contribution. Mais il ne faut quand même pas oublier que le mode de fonctionnement de Netflix pose problème… Il faut repenser l’interaction des grandes entreprises du numérique qui connaissent tout de nous. À l’inverse, nous savons très peu de choses de leurs opérations et de leur pouvoir économique et politique.

Démondialisation ou coopération?

Certaines personnes croient que nous sommes dans une spirale de démondialisation. Ce n’est pas mon avis. Je crois à la solidarité et à la coopération internationale sur le plan économique. Je pense que la communauté internationale est capable de relever les défis actuels ; elle a prouvé qu’elle pouvait le faire. Pensons simplement à l’histoire du XXe siècle, alors que l’humanité s’est sortie d’une grande guerre mondiale et que l’Europe a été rebâtie économiquement et politiquement. Je pense qu’on peut se sortir de la Covid et reconstruire le monde dans un esprit de coopération et de solidarité.

Comme après toute crise, il y aura beaucoup de changements, de transformations, et cela se fera en accéléré. C’est la responsabilité de tous mais surtout celle des pouvoirs publics d’y réfléchir et d’agir. On ne peut pas compter seulement sur les entreprises et sur les individus pour changer des comportements afin de s’ajuster. Il faudra peut-être réformer la coopération internationale, revoir les règles commerciales. En même temps, il faudra assurer la sécurité économique, sanitaire et juridique de notre monde. Il faudra être très habile, sinon, on peut échouer. Et si on échoue, on risque alors de se diriger vers la démondialisation.

À la recherche d’un leader

Présentement, le problème, c’est qu’il n’y a pas vraiment de pilote dans l’avion. Les États-Unis, qui sont le leader de l’ordre économique mondial depuis 1945, ne jouent plus ce rôle. Ils menacent de déchirer tous les accords de commerce et de sortir de toutes les organisations internationales. Malgré cela, ils ne le font pas. C’est un peu comme une rhétorique, un style de communication qu’ils emploient.

Qui d’autre pourrait prendre les rênes ? Peut-être la Chine… On sent qu’elle a pour stratégie l’expansion de sa puissance économique et de ses politiques. Mais jusqu’à maintenant, on ignore ce qu’elle pense de l’ordre mondial ni comment elle voit son rôle dans un monde post-Covid. Sans compter qu’on s’interroge sur sa transparence au début de la pandémie et qu’on ne sait pas comment elle sera évaluée par le reste du monde dans les prochains mois.

Ça pourrait aussi être l’Europe, bien qu’elle soit très préoccupée par certains problèmes internes. Elle pourrait jouer un rôle de leader avec les États-Unis et le Canada. Ce dernier a un accord avec l’Europe – l’Accord économique et commercial global (AECG). Il s’agit là d’une bonne base. Mais cet accord est assez jeune. Il faudra voir s’il peut bien vieillir, bien se développer, et constater comment il peut s’attaquer aux problèmes que soulève la Covid.

Se tourner vers l’avenir

D’ici la fin de la crise, il n’y aura pas de risque zéro. La problématique sanitaire restera au centre de la réorganisation de la mondialisation. J’espère que ce qu’on apprendra sur la gestion de la Chine par rapport à la pandémie et sur sa capacité à collaborer avec les organisations internationales nous permettra de rendre plus forts les missions, les mandats et les compétences de ces organisations. La coopération internationale est basée sur un principe de souveraineté. Malgré cela, il faut des sanctions contre les pays qui ne tiennent pas assez compte de la sécurité sanitaire dans le monde. Je ne pense pas à des sanctions punitives, mais plutôt à des façons d’encourager la transparence, à des mécanismes qui permettraient aux organisations de réaliser que ce qu’il faut mettre en avant, c’est la sécurité collective. Cela est nécessaire pour de meilleures collaborations futures, en attendant la prochaine pandémie ou la prochaine crise économique qui, avec la mondialisation, ne respecteront pas les frontières.

Les propos de Mme Rioux ont été recueillis par Maryse Guénette.