Indice de réparabilité, lois plus musclées, écotaxes et incitatifs financiers pourraient garnir le bouquet de solutions destinées à réduire l’obsolescence des produits. Comment passer de la réflexion à l’action ?
Michelle Cumyn est professeure titulaire à la Faculté de droit de l’Université Laval. D’emblée, elle estime que les consommateurs connaissent « malheureusement trop peu la loi », alors que, de leur côté, « les fabricants ont réussi à faire écran aux règles », entre autres avec la garantie de base.
À titre d’exemple, la garantie de cinq ans d’un électroménager peut laisser croire que, une fois cette limite franchie, il devient implicitement normal que l’appareil perde en qualité. La professeure rappelle que la garantie légale peut alors être évoquée, mais qu’elle gagnerait à être plus claire et précise.
Elle estime également que les produits vendus au Québec devraient s’accompagner d’un encadrement légal encourageant un meilleur accès aux pièces, ainsi qu’à des services de réparation et d’entretien. Et la garantie prolongée ? « Pour moi, ça équivaut à jeter l’argent par les fenêtres ! »
Parler de garanties, c’est parler de l’un des noyaux de l’obsolescence qui consiste à favoriser le jeter-racheter au détriment du conserver-réparer. Autrement dit, tout cadre contribuant à la préservation d’un produit décourage l’obsolescence.
Percer la muraille d’informations
Michelle Cumyn rappelle que les consommateurs sont plus soucieux de la durabilité des biens, en raison de la croissance des préoccupations environnementales.
« Un des enjeux consiste à trouver des solutions concertées entre le droit de la consommation et celui de l’environnement. »
Elle fait remarquer que « le droit de la consommation québécois mise beaucoup sur les mesures d’information du consommateur », par exemple, « les mentions obligatoires dans les contrats, les annexes, les textes sur un site Internet ou ceux accompagnant les prix ou l’étiquetage ».
Or, elle signale qu’une « information trop détaillée ou technique rebute les consommateurs ». Émerge alors un mur de confusion les incitant à rebrousser chemin en ce qui concerne leur désir d’entreprendre des démarches.
Indice de réparabilité
Depuis janvier 2021, la France exige l’affichage d’un indice de réparabilité, visible sur plusieurs types d’appareils électroniques et électroménagers. Ce levier vise à informer le consommateur et, ultimement, à encourager l’achat de produits plus facilement réparables1.
Les principaux critères comprennent l’accès à la documentation technique, à la démontabilité, aux outils et à la disponibilité des pièces. Une inspiration pour le Québec et le Canada ? Peut-être, mais Michelle Cumyn croit que ces notes devraient être attribuées par un organisme tiers indépendant et non par le fabricant.
Elle pense également que les fabricants pourraient assumer les coûts de recyclage. « Cette approche pourrait les forcer à mettre en marché des produits plus durables. »
Elle évoque aussi l’application d’une écotaxe, modulable en fonction de la durée de vie déclarée et réelle du produit : « Par exemple, si la longévité de votre lave-vaisselle est de 20 ans, l’écotaxe à payer par le fabricant serait moindre qu’un autre dont la durée de vie serait estimée à 10 ans. » Cette approche pourrait inclure des échantillonnages dans les écocentres pour y valider la conformité de cette durée de vie.
Exercice périlleux
Or, définir avec précision la durée de vie ou la détérioration « normale » d’un produit est un exercice périlleux. Professeur titulaire à la Faculté de droit de l’Université Laval, Marc Lacoursière signale certains facteurs à considérer. Par exemple, la nature du produit ou la réputation du fabricant peuvent perturber les sacralisés comparables : « Nous savons tous que des marques ou des produits sont de qualité supérieure », illustre-t-il.
Il soulève d’autres questions : « Un ordinateur ne dure ni 20 ans ni 1 an. Mais quelle est la réelle durée normale ? Est-ce 10 ou 5 ans ? Est-ce étonnant qu’une entreprise mette à jour des logiciels dont l’effet rendra certains appareils moins performants ? »
La pomme est-elle verte ?
Fin 2021, Apple annonçait sa volonté de faciliter dès 2022 la réparation en libre-service de ses iPhone 12 et 13. La première phase serait axée sur les composantes les plus populaires, comme l’écran, la batterie et la caméra.
Si certaines personnes spéculent sur la valeur de cette approche, la capacité d’accès aux outils d’entretien et le coût des pièces, plusieurs saluent l’intention d’intégrer le consommateur dans la chaîne de réparabilité de ses appareils magnétiques.
Marc Lacoursière suggère que certaines entreprises pourraient avoir intérêt à démontrer qu’une pratique plus exemplaire au départ rend moins nécessaire l’encadrement légal. « Tant mieux si Apple permet de remplacer ses piles », dit-il.
Il rappelle toutefois que la simple réparation d’un grille-pain peut « se transformer en parcours du combattant. Avec des frais élevés ». Histoire à suivre.