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Publicités des entreprises de téléphonie cellulaire : Des adolescents influencés, mais mal informés

Le téléphone cellulaire est un objet fait sur mesure pour les adolescents. Rempli de promesses d’indépendance et de liberté, il leur permet de s’évader du giron familial et d’être en contact avec leurs amis en tout temps. Pas surprenant que, durant les dernières années, les entreprises de téléphonie cellulaire, qui avaient d’abord eu pour cible les adultes, se sont intéressées à cette clientèle. Elles ont mis sur le marché des produits susceptibles de leur plaire, elles ont réalisé des publicités destinées à les séduire, et elles ont multiplié les efforts pour les fidéliser. C’est surtout aux publicités des entreprises de téléphonie cellulaire que nous nous intéressons ici.

Pour ce faire, nous avons jeté un coup d’œil aux stratégies de marketing destinées à rejoindre les jeunes. Et nous avons demandé à des experts en communications, en marketing et en psychologie, comment les entreprises (particulièrement les entreprises de téléphonie cellulaire) s’y prennent pour rejoindre les adolescents. Puis nous avons demandé à ces mêmes experts d’analyser plusieurs publicités diffusées par cinq entreprises de téléphonie cellulaires1 afin de savoir si elles étaient susceptibles d’accrocher les jeunes consommateurs et comment. Selon eux, c’est le cas de plusieurs d’entre elles. Mais surtout des publicités de Rogers, qui visent spécifiquement cette clientèle.

Afin de savoir si les publicités procurent aux adolescents suffisamment d’information pour leur permettre de faire des choix éclairés, nous avons également analysé 10 d’entre elles d’un point de vue juridique. Cela nous a permis de constater que, si bien des publicités sont susceptibles de séduire les jeunes consommateurs, bien peu d’entre elles contiennent tous les renseignements qu’elles devraient. Cela est notamment le cas en ce qui concerne le prix – les frais demandés n’y sont pas inclus, ce qui porte à confusion -, ainsi qu’aux obligations inscrites en petits caractères.

Cela constitue un grave problème. Avoir le point de vue d’experts est intéressant, mais cela ne suffit pas à se faire une idée de la perception des jeunes consommateurs. Afin de connaître cette dernière, nous avons décidé de rencontrer des adolescents. Mais avant, nous voulions savoir s’ils avaient un téléphone cellulaire, avec quelle entreprise ils faisaient affaire, quand ils l’utilisaient, quelles options ils avaient choisies et quelles étaient les caractéristiques de leur appareil.

Pour ce faire, nous leur avons demandé de répondre à un sondage ; 136 jeunes de 14 à 18 ans ont accepté. Cinquante pour cent d’entre eux avait un téléphone cellulaire et, souvent, ce n’était pas leur premier. Et 78 % d’entre eux étaient clients de Fido ou Rogers ; des entreprises dont les publicités sont séduisantes pour les jeunes. Afin d’avoir le point de vue des jeunes consommateurs, nous avons également organisé six groupes de discussion. Ceux-ci ont eu lieu dans des classes de secondaires V. Nous voulions savoir si les adolescents étaient influencés par les entreprises de téléphonie cellulaire et ce qu’ils pensaient des publicités qu’elles diffusaient.

Nous avons été à même de constater que les jeunes ont plus de facilité à reconnaître les slogans et signes distinctifs de Fido, Rogers et Telus que ceux des autres entreprises. Et que ce sont également ces entreprises qu’ils choisissent le plus souvent lorsqu’on leur demande avec quelle entreprise ils feraient affaire s’ils devaient se procurer un téléphone cellulaire sur-le-champ. Nous avons également appris qu’ils apprécieraient plus de transparence de la part des entreprises de téléphonie cellulaire. Afin de découvrir comment les adolescents étaient servis et, surtout, s’ils étaient bien renseignés lorsqu’ils décidaient de se procurer un téléphone cellulaire, nous avons réalisé une enquête sur le terrain. Ce faisant, nous avons demandé à des adolescents de visiter les points de vente de cinq entreprises de téléphonie cellulaire et d’un détaillant.

Chaque fois, nous étions présents afin de noter les paroles et les comportements des vendeurs. Nous avons été obligés de constater qu’ils sont souvent avares d’information, ce qui peut être préjudiciable pour les jeunes consommateurs. Ainsi, seulement sept vendeurs sur 36 (19,5 %) ont demandé à nos jeunes enquêteurs s’ils utiliseraient beaucoup leur téléphone cellulaire ou de combien de minutes ils avaient besoin. Et seulement 13 (36 %) d’entre eux leur ont demandé quand ils utiliseraient leur téléphone cellulaire.

Ces questions nous semblent pourtant primordiales pour quiconque veut aider les jeunes consommateurs à choisir le forfait correspondant à leurs besoins. Les vendeurs ont aussi été avares d’information. Seulement six vendeurs sur 36 (16,5 %) ont expliqué à nos jeunes enquêteurs la différence entre un service « à la carte » et un forfait. Et seulement 14 vendeurs sur 36 (39 %) leur ont expliqué les caractéristiques de l’une ou de l’autre des deux formules.

Enfin, la plupart ont omis de donner des renseignements importants. Ainsi, le fait que, lorsqu’on signe un contrat, on prend un engagement à long terme a été mentionné par seulement 2 vendeurs sur 36 (5,5 %) (nul n’a précisé que mettre fin au contrat coûtait des sous). Et seulement 6 vendeurs sur 36 (16,5 %) ont dit à nos jeunes enquêteurs combien leur coûterait chaque mois leur téléphone cellulaire. Les jeunes consommateurs peuvent-ils se procurer eux-mêmes leur téléphone cellulaire? Sont-ils bien protégés par les lois en vigueur? Pour le savoir, nous avons d’abord fait le tour des législations existantes au Québec, au Canada et ailleurs dans le monde.

Cela nous a notamment amenés à constater que les lois qui existent actuellement au Québec et au Canada protègent plus spécifiquement les enfants que les adolescents. Et qu’il existe des règles internationales susceptibles de protéger les adolescents dont nous pourrions nous inspirer. Un jeune consommateur qui se serait procuré un téléphone cellulaire sans trop comprendre les conséquences de son geste pourrait-il se soustraire à ses obligations?

Pour le savoir, nous avons aussi regardé qu’elles sont les lois qui lui permettraient de faire annuler son contrat. Et nous avons jeté un coup d’œil du côté de la jurisprudence. Cela nous a amenés à penser que dans certains cas, les jeunes consommateurs qui décideraient de faire valoir leurs droits pourraient avoir gain de cause.