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S’exprimer sur les réseaux sociaux : attention aux conséquences !

Après avoir eu une mauvaise expérience avec un commerçant, Rita et Benoit ont laissé libre cours à leur frustration sur les réseaux sociaux, et ce, sans même avoir tenté de contacter l’entreprise pour tenter d’obtenir un dédommagement. Était-ce la bonne chose à faire ? Il n’y a pas de réponse claire à cette question, mais voici quelques éléments de réflexion.

Bien que la liberté d’expression soit un concept fondamental dans toute société démocratique, le fait de s’exprimer sans discernement à propos d’une personne, d’un professionnel, d’un commerçant, etc., peut avoir des conséquences, et ce, même si l’on pense passer incognito, bien caché derrière son écran d’ordinateur…

 

Des textes fondateurs

Cette fameuse liberté d’expression, si fréquemment invoquée par les utilisateurs des médias sociaux, ne date pas d’hier. On la retrouve déjà dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, texte essentiel de la Révolution française dont l’article 11 précise que « […] tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté […] ». Au fil du temps, les grands principes énoncés dans la Déclaration ont été repris par de nombreux pays. C’est aussi d’elle que s’est inspirée la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée par les Nations Unies en 1948.

Au Canada, la liberté d’expression est consacrée dans la Charte canadienne des droits et libertés qui édicte que « la liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression, y compris la liberté de presse et autres moyens de communication », est protégée en tant que garantie constitutionnelle fondamentale.

 

Quelques balises

Les « autres moyens de communication » dont il est question dans la Charte incluent-ils les réseaux sociaux ? Selon Pierre Trudel, professeur à la Faculté de droit à l’Université de Montréal, les activités sur ces derniers n’entrent pas dans le cadre légal qui garantit la liberté d’expression.

De plus, à l’heure actuelle, il n’existe aucun texte de loi ni de jurisprudence qui encadre les réseaux sociaux. Sachez cependant que ces médias eux-mêmes ont fixé quelques balises.

Sur Facebook, certains contenus peuvent être signalés et supprimés, notamment :

  • violences et menaces;
  • suicide ou automutilation;
  • intimidation ou harcèlement;
  • discours incitant à la haine;
  • contenus explicites;
  • nudité;
  • identité et confidentialité;
  • propriété intellectuelle;
  • biens réglementés (dans le cadre de transactions commerciales).

Sur Twitter, certains contenus peuvent aussi être supprimés, notamment :

  • usurpation de l’identité d’une personne ou d’une marque;
  • utilisation non autorisée d’une marque déposée;
  • information privée;
  • comportement abusif et menaces violentes;
  • exploitation sexuelle d’enfants, pornographie;
  • spam et abus.

 

Dérapages et conséquences

Certains contenus diffusés sur les réseaux sociaux par d’autres personnes pourraient vous porter préjudice. Par exemple, un ex-conjoint ou un ancien partenaire d’affaires qui diffuserait sans votre autorisation des informations confidentielles ou des photos vous concernant, afin de nuire à votre réputation ou de dévoiler votre intimité.

On peut également faire l’objet d’intimidation sous différentes formes sur les médias sociaux, par exemple par le biais de l’usurpation d’identité, du partage des données personnelles, du harcèlement, etc.

Un individu pourrait aussi tenir des propos diffamatoires à votre égard. Sur le plan juridique, il s’agit de propos portant atteinte à l’honneur d’une personne physique ou morale. Toutefois, la diffamation ne peut être sanctionnée que si elle constitue une faute et entraîne des dommages. La Cour Suprême du Canada[1] a d’ailleurs identifié trois situations où la responsabilité de l’auteur de propos diffamatoire pourrait être engagée:

  • prononcer des propos désagréables tout en les sachant faux, ou les tenir par méchanceté, dans l’intention de nuire;
  • diffuser de telles déclarations alors qu’on devrait savoir qu’elles sont fausses;
  • même si les propos défavorables sont vrais, mais qu’ils sont tenus par une personne, sans juste motif.

Si vous êtes victime d’intimidation, de diffamation ou de propos à caractère offensant ou injurieux sur les réseaux sociaux, sachez que vous avez des recours. Au civil, vous avez le droit de demander réparation et le cas échéant, des accusations criminelles pourraient aussi être portées. Conservez toutes les communications et captures d’écran comme preuve, et communiquez avec votre service de police local.

 

Faire preuve de nuance

Lorsqu’on a eu une mauvaise expérience avec une entreprise, un professionnel ou un commerçant, il peut être tentant de le rapporter sur les réseaux sociaux. Il n’est pas nécessairement incorrect d’exprimer un point de vue critique, mais il en va tout autrement si cela est fait dans l’intention de nuire ou de faire fuir la clientèle. Nuancer et mesurer ses propos est la clé pour éviter les ennuis et les éventuelles poursuites.

Certes, la liberté d’expression doit être protégée, car elle fait partie des fondements de toute société démocratique. Mais attention aux débordements sur les médias sociaux. Une seule publication peut ternir ou même détruire une réputation. Alors pensez-y-bien avant de cliquer sur « publier ».

 

 

[1] Prud’homme c. Rawdon (Municipalité de) 2010 QCCA 584