Édito – Vol d’identité : les consommateurs doivent être protégés, et gratuitement
CREDIT PHOTO: Jay Zhang (Unsplash)
Le moyen le plus efficace de se protéger du vol d’identité est le gel de sécurité, une mesure qui verrouille en quelque sorte le dossier de crédit du consommateur. Cette mesure de protection existe aux États-Unis, mais pas au Canada. Heureusement, les choses pourraient changer sous peu, du moins au Québec. En effet, un projet de loi prévoyant la mise en place d’un gel de sécurité y est actuellement à l’étude.
Avant d’être adopté, ce projet de loi, qui porte le numéro 53, nécessite quelques bonifications. À cet égard, le mémoire d‘Option consommateurs contient des recommandations intéressantes.
Le projet de loi prévoit que le gel de sécurité ne s’appliquerait que dans le cadre d’un contrat de crédit ou d’un contrat de louage à long terme d’un bien. Cela est insuffisant. Les fraudeurs utilisent les renseignements personnels volés afin de conclure différents types de contrat, comme des contrats de téléphone cellulaire. Pour être efficace, le gel de sécurité doit donc s’appliquer à tous les types de contrats, moyennant certaines exceptions si cela s’avère vraiment nécessaire.
Le projet de loi encadre aussi l’alerte à la fraude. S’il est adopté, il obligerait les prêteurs et les entreprises à prendre « des mesures raisonnables » pour vérifier l’identité de leur client. Ce n’est pas suffisant. Il faut plutôt qu’ils aient l’obligation de contacter ce client. C’est d’autant plus important que, comme le démontre un reportage de la CBC diffusé en février 2019, telle qu’elle est appliquée actuellement, cette mesure est loin d’être efficace.
Le projet de loi 53 encadre en plus la note explicative pouvant être inscrite au dossier de crédit. Mais il prévoit que cette note ne peut être utilisée que dans certains cas de mésentente. Or, cette note peut être utile dans bien d’autres cas, par exemple lorsque le consommateur veut justifier une mauvaise note à son dossier. Ici aussi, comme l’observe Option consommateurs, il faut un ajustement.
Autre faille et non la moindre : les mesures proposées ne sont pas offertes gratuitement, les bureaux de crédit étant invités à demander des « frais raisonnables » aux consommateurs. Option consommateurs juge cela inconcevable, et avec raison. Même minimes, de tels frais pourraient être trop élevés pour les personnes à faible revenu. Or, avoir un mauvais dossier de crédit est lourd de conséquences. Celui qui se trouve dans cette situation risque de ne pas avoir accès à du crédit ou à de l’assurance ; il risque aussi d’avoir du mal à se trouver un logement ou un emploi.
La gratuité est aussi essentielle pour une autre raison. Les consommateurs sont pris en otage de tous les côtés. Ils ne peuvent obtenir du crédit ou encore se procurer certains biens ou services sans fournir des renseignements personnels ou donner accès à leur dossier de crédit. Or, les récents vols de données montrent que ceux qui demandent des renseignements personnels ne parviennent pas toujours à les garder en sécurité. Dans ce contexte, donner à tous les consommateurs le moyen d’utiliser les mécanismes mis à leur disposition pour se protéger est le moins que l’on puisse faire. Et demander de l’argent en retour est une aberration.
Notons que, en Ontario, un projet de loi prévoyant le gel de sécurité gratuit avait obtenu la sanction royale en 2018, alors que les libéraux étaient encore au pouvoir. Mais il a été mis au rancart par le gouvernement Ford