CRÉDIT PHOTO: Suhyeon Choi (Unsplash)
Le 4 juin dernier, six grandes associations de consommateurs et organismes de la société civile canadiens se sont adressés au gouvernement afin de lui demander de forcer les compagnies aériennes à rembourser les consommateurs dont les vols ont été annulés à cause de la Covid-19.
On le sait, la situation actuelle est inacceptable : des milliers de consommateurs qui ont acheté des billets d’avion avant la pandémie ne parviennent pas à obtenir un remboursement. Or, pour ceux qui ne peuvent ou ne veulent reporter leur voyage – parce qu’ils allaient visiter un parent malade ou souligner un événement qui s’est déroulé sans eux ou encore parce qu’ils sont âgés –, c’est la seule solution valable.
L’Union européenne et les États-Unis l’ont compris. Ils ont tous deux obligé les transporteurs à proposer des remboursements pour les vols annulés en raison de la Covid-19.
En lieu et place, les transporteurs canadiens proposent uniquement un crédit voyage.
En mentionnant sur son site Web que la remise d’un tel crédit était une solution « convenable » et qu’un délai de 24 mois « serait jugé raisonnable dans la plupart des cas », l’Office des transports du Canada (OTC) a en quelque sorte sanctionné cette option. Il n’en fallait pas plus pour que celle-ci devienne la norme.
Venant d’un organisme qui affirme « offrir aux passagers aériens un régime de protection du consommateur », un tel avis a quelque chose d’incongru.
Devant le tollé qu’il a suscité, l’OTC a nuancé sa position. Il a indiqué qu’il ne s’agissait pas là d’une « décision exécutoire » et a invité les consommateurs qui pensent avoir droit à un remboursement et ont fait face à un refus à se tourner vers elle pour porter plainte. Mais qui le fera ? Bien que certaines compagnies aériennes aient dès lors fait montre de plus de flexibilité, le mal était fait.
Parfois, pour avoir droit au simple crédit voyage, il faut avoir effectué le paiement complet. Et aussi payer des frais, qui peuvent être élevés – jusqu’à 29 % du prix du billet, selon ce qu’on a vu dans l’actualité. Le tarif a augmenté entre la réception du crédit et le moment du départ ? Il faudra peut-être payer la différence.
Le crédit voyage peut convenir à certains – mais leur conviendra-t-il toujours quand ils constateront combien ils doivent débourser ? Cependant, il n’est pas du tout approprié pour ceux qui ont perdu leur emploi de manière temporaire ou définitive. En ce moment, ceux-là ont besoin de récupérer leur argent. Ils n’ont pas les moyens de planifier d’autres voyages.
L’offre de crédit voyage des compagnies aériennes a aussi un effet pervers : celui de fermer des portes aux consommateurs. Ainsi, les compagnies d’assurances ne veulent pas rembourser ceux à qui on a fait une telle offre. Et au Québec, les émetteurs de cartes de crédit, dont les employés semblent ignorer l’existence de la rétrofacturation, les dirigent vers l’arbitrage, un processus relativement complexe.
Si les crédits voyage ont peu d’avantages pour les consommateurs, ils en ont beaucoup pour les compagnies aériennes.
Ce sont elles qui ont en main les sommes reçues des voyageurs – d’ailleurs, une grande partie de ces sommes ne devrait-elle pas avoir été déposée dans un compte en fidéicommis, auquel cas pourquoi ne procède-t-on pas au remboursement ?
Ce sont aussi elles qui empocheront les sommes versées pour les crédits non utilisés.
Dans ce contexte, les compagnies aériennes canadiennes devraient voir plus loin que la pandémie et penser aux conséquences qu’aura leur refus de rembourser. Car une fois la crise terminée, les consommateurs lésés pourraient choisir de voler sur les ailes de transporteurs étrangers.
Si les compagnies aériennes canadiennes n’offrent pas aux consommateurs la possibilité d’être remboursés, le gouvernement, qui s’apprête à leur porter secours, devrait les y obliger.
La lettre envoyée au gouvernement – dont nous parlions précédemment – est une des initiatives employées pour que les droits des consommateurs soient respectés. Au préalable, Option consommateurs avait fait circuler une pétition et l’organisme Droit des voyageurs en avait fait tout autant ; au moment où nous écrivions ces lignes, ils avaient récolté respectivement 31 000 et 61 000 signatures. De plus, de nombreuses actions collectives avaient été entreprises.
Reste à espérer que cela fera bouger les choses… Et que le gros bon sens jouera en faveur du consommateur. Qu’on se le dise : nulle part au Canada il est légal de garder l’argent d’un consommateur sans lui rendre le service pour lequel il a payé.